LA PRATIQUE DE L'AGDAL
L'Agdal,
Une école des communs
L'agdal désigne à la fois un espace, et une pratique : celle de la mise en défens, décidée collectivement, de secteurs de l'arganeraie pour préserver les fruits du pâturage et leur permettre d'arriver à maturité. La parole y est très importante : le début de la période d'agdal est annoncé au souk par un crieur, et si la mise en défens est parfois matérialisée par des enclos ou des pierres, elle est souvent tenue par la seule parole.
À la fin août, une fois les noix d'argan tombées au sol, toutes les familles ayant des droits de récolte viennent récupérer les fruits de leurs arbres. Tout l'enjeu de ce système de rotation saisonnière des usages est d'assurer l'équilibre entre d'un côté des productions individuelles (pâturage, récolte) et de l'autre la bonne régénération de l'arganeraie, nécessaire à la vie de tous sur ce territoire.
Nouveaux Agencements
Tout au long du siècle passé, si les modes de vie et de production ont évolués, ce sont aussi les acteurs impliqués sur le territoire qui se sont renouvelés : développement du rôle des institutions collectives, de la commune au département des Eaux et Forêts et aux différentes antennes du Ministère de l'Agriculture, mais aussi des associations locales prenant le relais des jmaâ, et jusqu'aux consommateurs.
Le défi posé aux territoires de l'arganeraie est alors celui de mobiliser ces nouveaux acteurs au service d'une gestion durable de la forêt et des pratiques tissées en son sein, en gardant à l'esprit cet équilibre hérité du modèle traditionnel, cette négociation constante entre régénération de la forêt et activités productives.
L'agdal est en ce sens une pratique exemplaire qui doit trouver une transcription contemporaine, tout comme le rôle des gardiens.
Cela est d'autant plus important que l'arganeraie de l'Anti-Atlas joue un rôle écosystémique de préservation du sol dont les répercussions s'étendent à tout le bassin du Souss-Massa, liant étroitement amont et aval et appelant à de nouvelles solidarités.
Ingénieux oui ! Mais pourquoi ?!
Dans un territoire aussi aride et abrupt où les ressources sont rares, les habitants de l'arganeraie ont réussi développer une grande variété de productions agricoles et ce, grâce à une négociation constante avec le milieu pour éviter le sur-prélèvement et distribuer au mieux les ressources.
Impossible alors de distinguer la forêt et les parcelles agricoles productives. Les deux sont mêlés, en dialogue.
La richesse et la singularité de cet agrosystème vient de la gestion collective de "la part des humains" dans l'écosystème de l'arganeraie. Tout l'enjeu de pratiques telles que l'agdal est d'équilibrer au mieux cette part, d'un côté pour permettre la production et les ressources de chaque habitant et de l'autre pour maintenir l'équilibre profitable à l'ensemble de l'écosystème.
Dans chaque communauté, c'est le rôle de la Jmaâ - assemblée des sages - que d'assurer la gestion collective de ces ressources, et d'arbitrer leur distribution dans les périodes de rareté. Différents gardiens assurent le fonctionnement quotidien de ces communs,
Amin de l'agadir, Aiguadier des tours d'eau et Amchâardo des espaces d'agdal. Ces gardiens sont chargés des pouvoirs des ayant droits, ils sont la clef du respect et de la bonne tenue du territoire collectif.
Le paysage n'est alors pas seulement perçu comme un espace productif mais bien comme une entité à part entière avec laquelle les populations doivent négocier constamment leur prélèvement.